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« Sans détour »:Pratiques d’un autre temps



Nouakchott se rêve moderne, mais son quotidien raconte une autre histoire. Une histoire faite de comportements usés, d’habitudes figées, de gestes d’un autre âge qui s’incrustent dans l’espace public comme des automatismes. Il suffit de quelques minutes dans la rue ou dans un bus pour saisir l’ampleur du décalage : ici, l’anachronisme ne se cache pas — il s’exhibe.

Dans les transports en commun, la scène est devenue banale : un bus vétuste, bondé, et soudain, un passager craque une cigarette. L’air devient irrespirable. Personne ne dit rien. Ni le chauffeur, ni les autres voyageurs. Comme si respirer proprement était une exigence déplacée, un caprice de privilégié.

Même les mosquées, lieux sacrés par excellence, n’échappent pas à cette désinvolture collective. Téléphones qui sonnent en pleine prière, discussions personnelles menées à haute voix, sans gêne ni retenue. Le silence, pourtant au cœur du recueillement, cède la place au vacarme du quotidien.

Et ce n’est pas tout. Cracher sur le trottoir, éternuer sans se couvrir, uriner derrière un mur… Ces actes ne choquent plus. Ils sont devenus invisibles, normalisés. Comme si la ville appartenait à personne. Comme si le vivre-ensemble avait été relégué au rang des idées étrangères.

Mais peut-on pointer du doigt uniquement les citoyens ? Comment exiger de la civilité quand l’État, lui, offre si peu ? Des rues sans poubelles, des quartiers sans toilettes publiques, aucune campagne sérieuse de sensibilisation. La saleté ne vient pas seule : elle naît du vide laissé par l’autorité, par l’exemple, par l’absence d’infrastructures et d’éducation civique.

Il faut pourtant le dire clairement : la politesse n’est pas un luxe, c’est un pilier de la modernité. Une société qui tolère l’irrespect dans ses gestes les plus simples se condamne à stagner. La modernité, ce n’est pas seulement le béton, le goudron ou les immeubles. C’est aussi — surtout — la façon dont on se comporte les uns envers les autres.

Ces pratiques d’un autre temps n’ont plus leur place dans un pays qui prétend aller de l’avant. Il est temps de les nommer, de les rejeter, et de construire une autre norme : celle du respect, de l’attention, du collectif

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