Parlementer sur les langues , au parlement !
Quel lieu convient mieux à un débat sur les langues que le parlement ? Curieusement quand l’occasion se présente pour en parler, les discussions sont détournées de leur contexte pour être poussées à la porte de sortie de la chambre législative. Et de quelle façon ! Comme si la question des langues nationales relève d’un tabou dans les débats. Les experts en « piraterie » n’ont pas trouvé meilleure formule que de braquer les idées vers une destination qu’ils ont choisie pour justifier la nouvelle orientation consistant à mettre à l’abattoir parlementaire la langue de Molière en échange de l’usage du Peulh , du soninké et du wolof . Le Hassaniya lui occupait le terrain parlementaire -et cela ne doit gêner si chacun jouait son rôle – avec une portion congrue attribuée aux locuteurs francophones. Cette opportunité vient d’être purement et simplement retirée. Comme si en faisant cadeau aux usagers des langues nationales de s’exprimer dans leurs idiomes naturels on leur conférait plus de droits et privilèges au détriment d’une langue étrangère qu’il faut bannir du parlement d’une majorité anti-impérialiste. Ces langues demandent plus que cela : être intégrées dans le système éducatif national et avoir une place dans l’administration leurs radios et TV privées. En oubliant ou en feignant d’ignorer qu’une langue n’est jamais un frein au développement. L’analphabète aujourd’hui c’est celui qui parle seulement deux langues selon la définition de l’unesco en 2000. Le mauritanien le plus riche linguistiquement en parle combien ? Que dire d’un parlementaire qui a besoin de communiquer avec le monde dans ses voyages à l’international sans besoin toujours de traduction. C’est trop dire sachant que les raisons qui président à cette exclusion de la langue française tiennent plus à des raisons intra- identitaires. Les tenants des thèses selon lesquelles les communautés non arabophones de Mauritanie sont plus attachées au français qu’à leurs langues se trompent bougrement en ramenant à chaque fois la question des revendications identitaires à une supposée hostilité vis-à-vis de l’arabe au profit du français qui d’ailleurs est vue par ces chantres de l’arabité comme une langue étrangère qui ne mérite pas d’être valorisée dans le système éducatif exclusivement réservé à l’arabe. En fait le problème n’est pas de cet ordre. Les communautés non arabophones ne sont pas toutes moins arabophones que celles qui ont une identité arabe ou assimilée comme telle. Mieux les plus grands savants issus de ces communautés négro-africaines se sont appropriés la langue de Taha Houcein depuis des lustres et qu’ils manient avec révérence certaine. La langue française n’est pas plus préférable aux négro-africains qu’à l’arabe pour des raisons historiques évidentes. D’ailleurs ces langues ont absorbé un potentiel énorme emprunté de l’arabe. Point n’est besoin de citer des exemples, l’histoire parle d’elle-même. La solution n’est ni de bannir le français de manière graduelle ni d’imposer à tout le monde l’arabe ou encore d’accorder la permission de parler les langues nationales au parlement, mais plutôt d’encourager chacun à faire l’effort de connaitre toutes ces langues. Il s’agit de développer l’idée d’un parlement citoyen qui va servir de modèle aux autres pour que les préjugés que les uns ont sur les autres s’estompent. La langue arabe, française, anglaise et les langues nationales sont des moyens de communication. Combien de cadres des différentes communautés regrettent aujourd’hui n’avoir pas profité de l’école pour exceller dans les deux langues qui y étaient enseignées avec rigueur ? Plus que jamais nous dévons nous débarrasser de ces reflexes rétrogrades de vouloir mettre dans la poubelle tout ce qui est assimilé à l’occident considéré comme du « Boku- haram ». Dans un monde qui s’universalise cela relève de l’archaïsme mental. Avancer avec le monde plutôt que jouer à l’ostracisme.
CTD