Qui peut écrire l’histoire de la Mauritanie ?
En Mauritanie, la moindre évocation d’un fait historique si anodin soit-il fait polémique. Un signe symptomatique d’un équilibre intercommunautaire précaire qui a du mal à résister aux contingences politiques.
Les dernières images d’une peinture rupestre sortie de l’une de ces vieilles corbeilles sclérosées du diable ont suffi pour réveiller les vieux démons d’une Mauritanie atteinte d’un complexe chronique de ses origines historiques. Une Mauritanie repliée sur elle-même et allergique au débat contradictoire sain et constructif. La vérité des uns étant perçue comme mensonge pour les autres. Une provocation malsaine orchestrée à cœur joie par ces insatiables pseudo-historiens de la manipulation des sources imaginaires de l’histoire. Quiconque s’interroge sur l’urgence d’un débat national est passible d’un procès pour : passez-moi le néologisme « patricide ». Entendez l’attentat à la Patrie !
On refuse d’assumer nos erreurs, nos tares et retards pour nous emmurer dans le silence porteur de risques. On se regarde en chien de faïence en se projetant un œil inquisiteur. Quand on se résout à se parler c’est moins pour s’écouter avec respect et enthousiasme que pour s’accuser, se stigmatiser et s’ostraciser. Cela nous empêche de discuter avec franchise sans rancune ni arrières pensées, pour admettre qu’il y a des problèmes, les mettre sur la table et tenter de trouver des solutions. Il n’y a de problèmes sans solutions que dans l’obstination d’occulter ce qui nous divise, nous éloigne, mais aussi dans le dédain de se focaliser sur ce qui nous rapproche.
Un manichéisme viscéral nous enfonce et inhibe nos pouvoirs de réflexion, noie nos intelligences dans un orgueil aberrant. On se regarde sans se voir réellement à cause d’une cataracte qui nous aveugle. Et dont il temps d’en guérir.
Nous continuons à dresser des barrières de méfiance pour ériger des lignes de défiance rouges à ne pas franchir â ne même pas approcher. Evoquer l’unité nationale, l’histoire de la Mauritanie, sa diversité, la question des langues, les exclusions sociales, les violations des droits de l’homme, l’école égalitaire etc.…, sonne comme une atteinte grave à son devenir, un complot ourdi contre X. Une profanation de la « préférence nationale » tracée au compas et à l’équerre par des gardiens de l’unilatéralité autoproclamée.
Or, la parole est une catharsis pour évacuer les colères les peurs et angoisses. La confisquer c’est accentuer les frustrations, nourrir les préjugés et entretenir le doute et l’amalgame sur notre volonté de vivre ensemble surtout notre capacité à entrer dans l’histoire par la porte du dialogue et de la paix. Sans heurts. Ni rancœurs. Les contradictions sociales, sont consubstantielles des rapports humains qu’il suffit de positiver pour niveler les différences en extirper la moisissure. Il est plus que jamais temps de briser la glace.
Les occasions ne manquent pas pour instaurer un débat citoyen sur tous les sujets qui engagent le destin de la Nation. Car rien de durable ne peut se construire dans cette Mauritanie congénitalement plurielle en l’absence de l’unité dans la diversité. C’’est l’ADN d’un Etat égalitaire. Nous savons tous qu’en maintes occasions nous avons frôle le danger parce que nous avons laissé en latence des questions brulantes. A force de laisser s’accumuler les sédiments de la frustration et les ressentiments de toutes sortes du fait d’une indifférence à les régler on porte une lourde responsabilité devant l’histoire.
Dès lors, il n’est pas étonnant face à une trace du passé qui resurgit brusquement , chacun y va à la hauteur de ses motivations, de ses prétentions et de ses fantasmes intellectuels pour tenter de livrer ses « vérités » sans vraiment contribuer à rétablir la réalité sur ce que la Mauritanie fut au lieu de méditer sur qu’elle doit être.
Nous sommes une partie du monde sans en être ni l’antériorité historique, ni l’épicentre ni la quelconque face visible ou cachée. Nous sommes un atome de cet univers. Notre histoire, nos origines ne seront pas ce qu’en feront les gribouilleurs en mal d’inspiration ni les destructeurs des vestiges inamovibles qui s’érigent en nouveaux archéologues d’une Mauritanie tombée du néant et qui a besoin d’une nouvelle naissance forcée, une Mauritanie par césarienne ou par transplantation génétique !
Non l’histoire naturelle d’un pays ne tombe pas du bon vouloir d’une tribu, d’une communauté, d’un chef spirituel, de l’ancêtre d’un conquérant des ténèbres ni, ni … La Mauritanie est tellement vieille qu’un simple narrateur ou rimailleur ne fasse des miracles pour prendre tous les mauritaniens pour des idiots en leur livrant des publications sans contenu sur ce qu’est véritablement la Mauritanie. A force de lire les milles et une fantaisie, réécritures ou plagiats, de toutes sortes, il est à se demander s’il y a une Mauritanie ou des Mauritanie. Ou tout simplement si elle doit son existence à un hasard cosmogonique. Que diantre! Les mauritaniens ont –ils peur de / pour leur histoire ?
CTD