Insécurité à la frontière avec le Mali : Ne pas minimiser le danger
Le Mali avec lequel la Mauritanie partage une longue frontière (2234 km) est le théâtre depuis plusieurs semaines d’une vive tension entre l’armée régulière et les groupes armés arabes et touaregs du Nord. Le départ de la minusma (mission des nations-unies pour la sécurité au Mali) semble avoir mis fin à une « paix des braves » qui donnait du répit à une junte malienne embourbée dans une transition qui commence à durer et sans moyens face à des attaques terroristes récurrentes.
Cette frontière inquiète. Les affrontements s’effectuent parfois à quelques dizaines de kilomètres des terres mauritaniennes et le descriptif généralement perçu (zone frontière désertique quasiment inaccessible comparable à un no man’s land (…) sécurisée depuis 2008 par les groupements spéciaux d’intervention de l’armée mauritanienne) doit être pris avec prudence.
En effet, la sécurité à 100% n’existe pas, même pour les pays qui disposent de moyens conséquents et l’atout de la Mauritanie est d’avoir toujours tenu compte de cette vérité cardinale.
La situation à la frontière mauritano-malienne est rendue plus complexe par la crise que traverse la sous-région avec l’installation, dans quatre des cinq pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Niger, Tchad) de juntes militaires. Dans ces pays, la soumission aux menaces des groupes terroristes se double de la pression d’une communauté internationale qui refuse le fait accompli qui « enterre » des démocraties qui, quoiqu’imparfaites, sont préférables à des changements anticonstitutionnels.
La fin de la mission onusienne de maintien de la paix, le départ des forces Barkhane et la menace de dislocation du G5 Sahel par la création d’une nouvelle coalition à trois (Burkina Faso, Mali, Niger), l’Alliance des États du Sahel (AES) constituent une nouvelle donne pour la Mauritanie. Nouakchott doit redoubler de vigilance et mettre en place une stratégie qui tienne compte du changement des paradigmes sécuritaires dans une zone où les acteurs en face ont changé.
Renforcer la présence militaire sur cette frontière ne serait pas une mesure de trop. Demander aussi aux populations de nomades vivant dans cette zone où s’effectuent toutes sortes d’échanges commerciaux, dans des marchés hebdomadaires drainant des flux humains de part et d’autre est également une action que les autorités administratives et les organisations de la société civile doivent entreprendre sans tarder.
La volonté d’entrainer la Mauritanie dans une crise aux enjeux géopolitiques cachés ne relève pas de vaines spéculations. Notre capacité à assurer la sécurité de nos frontières depuis 2011 est enviée par des voisins qui vivent la crise comme un défi permanent. Si la communauté internationale n’a pas tenu compte de cette donne de sécurité collective, qui aurait pu pousser à entrevoir un compromis avec les autorités maliennes, il est certain que la Mauritanie fera tout pour ne pas subir les dommages collatéraux d’une crise malienne à conséquences internes et externes imprévisibles/
Sneiba Mohamed