Au nom de la langue…
Le sentiment anti-français gagne du terrain de jour en jour. Les nationalistes arabes continuent leur « campagne » pour que la rupture avec la « langue du colon » soit totale.
Si le statut des langues en Mauritanie est reconnu (arabe, langue officielle), (pulaar, soninké, wolof, langues nationales (français, langue de travail ?), il est évident qu’une partie de l’élite maure pense qu’il y a encore du travail à faire pour que la langue arabe assure son hégémonie ! Et ces « nationalistes » ne manquent aucune occasion pour rappeler leurs revendications aux autorités du pays – et même à leurs hôtes ! Au risque de provoquer l’incident diplomatique.
Au cours de sa conférence de presse de vendredi dernier, à Nouakchott, le groupe d’expertes des Nations Unies en charge des discriminations contre les femmes (CEDEF/CEDAW) a subi les foudres d’arabophones extrémistes. Cette colère, jusque-là réservées aux nationaux, fussent-ils ministres, députés, écrivains, poètes, universitaires ou intellectuels, cible maintenant les étrangers qu’on veut obliger à utiliser une langue, même s’ils ne la comprennent pas ! S’en prendre à une mission étrangère, donc hôte du pays, et onusienne, de surcroit, peut provoquer l’incident diplomatique.
Ayant à peine prononcé le premier mot en langue française, la cheffe de la mission, Miskilane Chan, est prise à partie par des arabisants, manifestement horripilés par l’usage de la langue française.
Les partisans du tout arabe avaient leurs arguments mais ils oublient qu’il y a des contraintes dont il faut tenir compte. D’abord, dans ce pays qu’on appelle la Mauritanie, la population est multiethnique. Si l’on ne peut donner une estimation de la part de chaque groupe national dans la composition de la population, y a tout de même une réalité incontournable : le droit des minorités. Le droit d’utiliser leurs langues, pour communiquer, ou la langue qu’ils connaissent le mieux, français, chinois, anglais ou arabe…La susceptibilité – la suspicion – par rapport au français ne doit pas être systématique, tout simplement parce qu’il s’agit d’une langue en compétition avec l’une des langues nationales dans le domaine de l’emploi. Dire, lors d’une conférence de presse, « Rien que l’arabe, sinon je vais jeter les micros loin et ils n’ont qu’à amener la police. Ce pays est [un pays] arabe. C’est quoi ce mépris? » est un comportement inadmissible. L’Etat existe et il a son mot à dire quand l’unité nationale et la cohésion sociale sont menacées par des extrémistes qui mettent à exécution des agendas cachés.
Enhardis par la vague de francophobie qui sévit chez les pays voisins (Maroc, Algérie, Mali) et en Afrique de l’ouest, les arabisants de Mauritanie affichent désormais leur haine du français. Menaces, ton de mépris, défis à la loi, au symbole de l’État (la police), non-respect des règles de bienséance vis-à-vis d’hôtes de la Mauritanie, recrudescence du conflit linguistique (lui-même suppôt de son parallèle social)… Autant de facteurs qui augurent d’une crise profonde, celle d’une Mauritanie autarcique vivant dans le passé et coupée du monde.
Wane Dieynaba