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Sénégal / Mauritanie: Les eaux troubles de la mer !

Par la rédaction

Le secteur de la pêche au Sénégal traverse une crise profonde, alimentée par des tensions diplomatiques avec la Mauritanie, la fin des accords internationaux et une absence de politiques de soutien claires. Cette situation fragilise un pan important de l’économie sénégalaise, avec des répercussions sociales et migratoires alarmantes.

Des tensions diplomatiques liées à la pêche artisanale

Malgré des accords bilatéraux en vigueur, les relations entre le Sénégal et la Mauritanie se sont récemment détériorées autour de la pêche artisanale. Des centaines de pêcheurs sénégalais sont régulièrement arrêtés dans les eaux mauritaniennes pour absence de contrat de travail — une exigence difficilement applicable dans ce secteur informel.

« Ce à quoi on assiste actuellement en Mauritanie, ce n’est pas rassurant. On interpelle nos pêcheurs, on leur demande des papiers qu’ils n’ont pas. Ils finissent emprisonnés », alerte Moustapha Dieng, secrétaire général du Syndicat national des pêcheurs du Sénégal.

Un exemple marquant : Ousmane Ndoye, pêcheur de Saint-Louis, a été détenu pendant neuf jours début mars après avoir été arrêté par la police mauritanienne, faute de carte de séjour.

Une diplomatie sous pression

En réponse, les autorités sénégalaises ont intensifié leurs efforts diplomatiques. En l’espace de six semaines, le Premier ministre Ousmane Sonko et la ministre des Affaires étrangères, Yassine Fall, se sont rendus à Nouakchott. Cette dernière, porteuse d’un message du président Bassirou Diomaye Faye, a rencontré son homologue mauritanien pour apaiser les tensions. Bien que le sujet des détentions n’ait pas été abordé publiquement, il demeure au cœur des préoccupations.

La fin d’un accord avec l’Union européenne

La crise est également accentuée par la fin, en novembre 2024, de l’accord de pêche entre le Sénégal et l’Union européenne. Cet accord permettait aux bateaux européens de pêcher 10 000 tonnes de thon et 1 700 tonnes de merlu noir en échange de 3 millions d’euros. Depuis sa résiliation, certaines espèces comme le thon sont réapparues, mais les pêcheurs locaux manquent d’équipements adaptés pour en profiter pleinement.

« Nous avons vu les gros thons revenir, mais nous n’avons ni les moyens ni les pirogues pour les exploiter », déplore Moustapha Dieng.

Un secteur clé laissé à l’abandon

Le manque de soutien technique et financier, l’interdiction de la pêche nocturne et les effets du changement climatique aggravent la situation. Résultat : le Sénégal peine à approvisionner son propre marché en produits halieutiques, poussant parfois à l’importation de poissons.

Le secteur emploie entre 600 000 et 700 000 personnes directement ou indirectement et contribue à 3,2 % du PIB, soit près de 300 milliards de FCFA par an. Malgré cela, les acteurs du secteur dénoncent un abandon de l’État.

Vers une relance ?

Face à l’urgence, le président Bassirou Diomaye Faye a demandé l’organisation de concertations inclusives pour relancer la pêche artisanale. Il en fait un pilier de son programme économique, misant sur son potentiel de création d’emplois et de devises.

Mais pour les professionnels du secteur, les mots ne suffisent plus. Ils réclament des actions concrètes : modernisation des équipements, formation, encadrement administratif et diplomatie proactive.


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