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Sidi Ould Tah, nouveau visage de la BAD : entre expérience, vision panafricaine et réseaux stratégiques

En seulement trois tours de scrutin, la Banque africaine de développement (BAD) s’est choisie un nouveau président. Le Mauritanien Sidi Ould Tah a remporté l’élection avec une majorité écrasante, recueillant 76,18 % des voix, loin devant ses concurrents, dont le Zambien Samuel Maimbo (20,26 %) et le Sénégalais Amadou Hott (3,55 %). Ce score, sans précédent dans l’histoire de l’institution, le propulse au poste de 9e président de la BAD pour un mandat de cinq ans.

Un homme de chiffres et de stratégie


L’arrivée de Sidi Ould Tah à la tête de la BAD ne relève ni du hasard ni d’une simple conjoncture. Fort d’une décennie à la direction de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), il y a laissé une empreinte indélébile : multiplication par douze des approbations annuelles, hausse des décaissements par huit et réduction des créances douteuses à moins de 0,5 %. Des résultats qui ont permis à la BADEA d’obtenir une notation AA+ par S&P, une distinction rarissime pour une banque africaine.

Ancien ministre de l’Économie et des Finances de Mauritanie, Ould Tah se distingue par une maîtrise fine des enjeux économiques du continent. Il revendique une approche à 360°, mêlant rigueur budgétaire, vision stratégique et connaissance des rouages de la diplomatie régionale.

Une victoire diplomatique autant que technique


Entré tardivement dans la course, Sidi Ould Tah a néanmoins su activer des relais diplomatiques solides. La présidence mauritanienne de l’Union africaine en 2024 lui a offert un appui politique de poids, tandis que ses liens avec les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, ont assuré un ralliement massif des pays de la Ligue arabe. Cette double casquette — africaine et arabe — en a fait un trait d’union naturel entre deux sphères souvent complémentaires mais rarement alignées.

Frannie Léautier, ancienne vice-présidente de la BAD et cheffe de sa campagne, qualifie cette victoire de « double mandat historique », rappelant qu’aucun président avant lui n’avait été élu avec une telle majorité.

Un nouveau souffle pour la BAD ?

Alors que le Nigérian Akinwumi Adesina quitte ses fonctions après dix ans marqués par une forte augmentation du capital de la BAD (passé de 93 à 318 milliards de dollars), Sidi Ould Tah prend les rênes d’une institution en pleine santé financière. Le défi est cependant de taille : transformer cette solidité en impact concret et élargi sur le terrain.

La stratégie décennale 2024-2033, articulée autour des « High 5 » d’Adesina (nourrir, éclairer, intégrer, industrialiser et améliorer la qualité de vie des Africains), reste en vigueur. Mais tout laisse à penser que le nouveau président imprimera sa propre marque.

Son programme baptisé « Les quatre points cardinaux » mise sur des leviers clairs : refondre l’architecture financière du continent, convertir le potentiel démographique en force économique, renforcer l’industrialisation en valorisant les ressources locales, et surtout, mobiliser massivement les capitaux internationaux, en particulier ceux du monde arabe.

Cap sur les financements non occidentaux

« Le modèle d’aide au développement piloté par l’Occident est arrivé à son terme », estime Serge Ekué, président de la BOAD. Un avis partagé par Ould Tah, dont l’expérience et les connexions dans les pays du Golfe pourraient repositionner l’Afrique au cœur de nouvelles dynamiques de financement. L’Afrique n’attendra plus les aides, elle ira chercher les investissements là où ils se trouvent.

Prévu pour entrer en fonction le 1er septembre, Ould Tah engage dès à présent une phase de transition avec son équipe rapprochée. Sa nomination est perçue par de nombreux observateurs comme un tournant stratégique pour la BAD, qui devra concilier continuité institutionnelle et réinvention dans un contexte mondial instable.

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