Mali : Un pouvoir dépassé sur les fronts militaires, qui choisit l’affrontement politique
Le Mali s’enfonce jour après jour dans une crise multiforme où l’insécurité galopante se double désormais d’une dérive autoritaire préoccupante. Alors que les lignes de front échappent de plus en plus au contrôle des autorités, le régime dirigé par le colonel Assimi Goïta semble avoir abandonné toute ambition de restaurer la sécurité au profit d’un repli stratégique : la répression politique.
Une guerre sur plusieurs fronts… tous perdus
Depuis la montée en puissance des groupes djihadistes dans les régions du centre et du nord, l’État malien n’a cessé de perdre du terrain. Les attaques armées se multiplient, les villes tombent les unes après les autres dans l’insécurité, et les populations locales sont livrées à elles-mêmes. La récente évacuation partielle des forces paramilitaires russes de Wagner, sans réel succès tangible, a laissé place à un nouveau contingent de supplétifs militaires dont la mission reste floue. Sur le terrain, le constat est accablant : l’armée malienne n’est plus en capacité de sécuriser le pays.
Les autorités de Bamako peinent non seulement à stabiliser les zones en conflit, mais également à garantir la sécurité des axes routiers, des villages et même des installations militaires. Le front sécuritaire est aujourd’hui un champ d’échecs, où chaque offensive gouvernementale se solde par une embuscade, un repli ou un abandon.
La diversion autoritaire : un pouvoir contre son propre peuple
Conscients de leur impuissance à rétablir la paix, les dirigeants de la transition semblent avoir choisi un autre front : celui de la confrontation avec l’opposition politique et les voix dissidentes. Sous prétexte de préserver l’ordre public, des leaders d’opinion, des journalistes et des activistes sont arrêtés, intimidés ou réduits au silence. Les médias indépendants font face à des restrictions accrues, tandis que les partis politiques sont de plus en plus marginalisés.
La société civile, autrefois partenaire incontournable de la transition, est aujourd’hui perçue comme une menace. Le gouvernement semble déterminé à gouverner par la peur plutôt que par le consensus. Ce choix de la confrontation interne, alors que le pays est menacé de désintégration, fragilise encore davantage le tissu national.
Un président de transition sans vision ni légitimité
Depuis son accession au pouvoir par la force, Assimi Goïta n’a cessé de repousser les échéances électorales. Le Mali vit sous un régime d’exception permanent, où la promesse d’un retour à l’ordre constitutionnel s’est diluée dans une stratégie de conservation du pouvoir.
L’absence d’un mandat électif aggrave le sentiment de rupture entre le pouvoir et la population. Ce fossé se creuse à mesure que la misère augmente, que les déplacés fuient les zones de guerre, et que les services publics disparaissent. Dans ce contexte, l’autoritarisme du régime n’est pas seulement une menace pour les libertés : il est une fuite en avant qui détourne l’attention de l’échec militaire et institutionnel.
Un État au bord de la rupture
Dans les régions de Gao, Tombouctou ou Mopti, l’administration centrale a quasiment disparu. Les groupes armés islamistes, mais aussi des milices communautaires, dictent leur loi. Les structures de santé, d’éducation ou de justice ne fonctionnent plus. L’État malien est devenu un spectateur impuissant de sa propre dislocation.
Le chaos sécuritaire s’accompagne d’une économie paralysée, d’un chômage endémique et d’un isolement diplomatique croissant. L’Alliance des États du Sahel (AES), malgré ses discours de souveraineté, ne parvient pas à proposer une alternative crédible. Pire encore, les autres États membres — le Burkina Faso et le Niger — sont eux-mêmes enlisés dans des dynamiques similaires de violence et d’autoritarisme.
Une instabilité contagieuse pour la sous-région
Le pourrissement de la situation malienne n’est plus une affaire interne. Le sud de l’Algérie, le Niger, le Burkina Faso et même les pays du Golfe de Guinée subissent déjà les conséquences du vide sécuritaire malien : trafic d’armes, migrations incontrôlées, incursions djihadistes. L’épicentre de la crise sahélienne se déplace vers les pays côtiers, provoquant une réaction en chaîne qui menace toute la région ouest-africaine.
Conclusion : un pays abandonné à son sort
Au lieu de s’atteler à la réorganisation de ses forces de défense, à la reconstruction de son administration ou à la réconciliation nationale, le pouvoir malien s’emploie à museler son peuple. Cette stratégie de l’évitement et de la répression ne fait que précipiter le pays vers un point de non-retour.
Le Mali n’est pas seulement confronté à une guerre contre le terrorisme. Il vit une crise existentielle, où le pouvoir lutte pour sa survie au lieu de défendre la nation. Si cette dynamique perdure, c’est non seulement l’unité du Mali qui sera compromise, mais aussi la stabilité de toute l’Afrique de l’Ouest