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Enjeux et défis de la sécurité alimentaire en Afrique

L’insécurité alimentaire n’est pas une réalité nouvelle pour l’Afrique. Depuis plus de trente ans, le continent est aux prises avec la faim et l’insécurité alimentaire.

En matière de sécurité alimentaire, l’avis de la FAO fait foi. Un pays (ou un continent) « sécurise » ses habitants contre la faim lorsque « toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels pour leur permettre de mener une vie active et saine ». Vu sous cet angle, l’Afrique est un continent qui a faim, malgré l’énorme potentiel agricole et humain dont il dispose. Ne produisant pas une bonne partie de ce que mange sa population de 1,2 milliard d’âmes, elle est soumise aux contingences d’une situation mondiale fortement perturbée.

Pour le continent africain, il s’agit bien d’une situation dramatique.

L’Indice de la faim dans le monde (GHI) révèle une situation  alarmante en matière de faim, avec les effets calamiteux combinés de la crise climatique, de la pandémie de COVID-19 et de conflits de plus en plus violents et prolongés (crise ukrainienne). Les progrès vers l’objectif Faim  Zéro d’ici 2030, déjà bien trop lents, semblent stagner voire s’inverser. La pandémie de COVID-19 qui s’est déclarée dans différentes régions du monde en 2020 et 2021 a montré à quel point le monde est vulnérable face à une contagion mondiale et aux préjudices sanitaires, sociaux et économiques qui en découlent.

L’Afrique n’a mis au point aucun mécanisme efficace pour l’atténuer, et encore moins pour l’inverser. En raison de ces facteurs (en plus d’une myriade d’autres facteurs sous-jacents comme la pauvreté, les inégalités, des systèmes alimentaires non durables, le manque d’investissements,  l’Afrique importe, de manière significative, les produits alimentaires essentiels : les trois grandes céréales (blé, maïs, riz) pour presque 25 milliards de USD par an, mais aussi des viandes et abats comestibles pour 4 mds USD, des produits laitiers et autres produits d’origine animale pour 4,3 Mds USD. Ses importations nettes annuelles dans la filière du sucre sont de 4,1 mds USD et dans la filière huiles végétales de 8,8 mds USD.

En contrepartie, l’Afrique réalise des exportations nettes significatives de café, cacao, coton, thé, légumineuses et certains produits de niche : agrumes, tomates, vins d’Afrique du Sud, fleurs coupées, graines de sésame, noix de cajou… Mais ce ne sont pas des produits alimentaires de base, ceux qui sont incontournables pour l’alimentation humaine.

Ainsi, les facteurs contributifs de la sécurité alimentaire (stabilité, disponibilité, accessibilité et qualité), les seuls à déterminer les quantités et les types suffisants d’aliments, en adéquation avec les revenus des individus ou des ménages, et de l’aptitude continue à acheter ou à produire des aliments, ne sont pas maîtrisés par l’Afrique dans un contexte de crise sanitaire ou militaire. Elle dispose pourtant de moyens suffisants pour changer la donne.

Dans cette situation critique, l’Afrique doit, dans le cadre des trains de mesures de relance budgétaire prises pour contrer la pandémie, privilégier les actions visant à réduire les risques qui pèsent sur la sécurité alimentaire. Ces actions doivent être orientées vers l’augmentation de la production agricole et le renforcement de la capacité des ménages à résister aux chocs, ce qui aurait aussi l’avantage de réduire les inégalités tout en stimulant la croissance économique et l’emploi.

Concentrer les stratégies d’adaptation en Afrique sur les mesures à fort impact, y compris sur la sécurité alimentaire, aidera à réduire leurs coûts. La mise en œuvre de ces stratégies sera coûteuse – de 30 à 50 milliards de dollars (2 à 3 % du PIB régional) chaque année dans les dix ans à venir, selon de nombreux experts. Mais c’est de la réussite de ces stratégies que la sécurité alimentaire en Afrique a plus de chance d’être instaurée et maintenue si elle est liée à une volonté clairement affichée de ne pas dépendre, indéfiniment,  des moyens de subsistance et alimentaire d’autrui. Aussi, pour briser les liens entre conflits et faim et exploiter pleinement le potentiel des systèmes alimentaires à contribuer à la paix, il faudra un bon niveau de données contextuelles probantes, une connaissance approfondie du contexte et une coopération entre les acteurs de la paix, de l’humanitaire et du développement.

Sneiba Mohamed

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