Départ de Wagner du Mali : une poudrière sahélienne en gestation
Le retrait progressif du groupe paramilitaire russe Wagner du Mali intervient dans un contexte hautement explosif. Tandis que les positions de l’armée malienne sont la cible d’attaques répétées dans le centre et le nord du pays, les groupes jihadistes, eux, semblent revigorés. Cette évolution marque un tournant stratégique inquiétant non seulement pour le Mali, mais aussi pour l’ensemble du Sahel.
Depuis l’arrivée de Wagner en 2021, Bamako avait misé sur cette coopération pour reprendre la main face à l’insécurité. Malgré les nombreuses controverses entourant les méthodes et les violations des droits humains imputées au groupe, sa présence représentait un appui militaire non négligeable pour les Forces armées maliennes (FAMa). Or, avec le départ de cette force supplétive, un vide sécuritaire béant s’installe, que les groupes armés terroristes sont déjà en train d’exploiter.
Les factions affiliées au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) et à l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) semblent avoir perçu ce retrait comme une victoire idéologique autant que stratégique. En effet, les dernières semaines ont été marquées par une recrudescence d’attaques coordonnées contre les garnisons de l’armée malienne, notamment dans les régions de Tombouctou, Ménaka et Gao. Cette pression militaire, combinée à une instabilité politique chronique, affaiblit considérablement la capacité de réponse des autorités de transition.
Dans ce contexte, Bamako cherche désespérément des alternatives. L’armée malienne, bien qu’en phase de réarmement, manque encore de moyens de renseignement, de mobilité aérienne et de coordination interarmées pour faire face seule à la menace. Le retour à une coopération plus équilibrée avec d’autres partenaires régionaux ou internationaux — notamment l’Algérie, qui conserve une forte influence dans le nord du Mali — devient une option envisagée en coulisses. Par ailleurs, les pays côtiers du Golfe de Guinée, désormais confrontés eux aussi à des incursions jihadistes, multiplient les initiatives de coopération sécuritaire, notamment à travers l’Initiative d’Accra.
À l’échelle régionale, l’efficacité de la CEDEAO reste limitée par des divisions internes, accentuées depuis les prises de pouvoir militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger. L’absence de consensus entrave toute réponse collective robuste. L’idée d’une coalition sahélienne indépendante, récemment avancée par ces trois pays, peine à se matérialiser sur le terrain.
Face à cette dynamique inquiétante, la nébuleuse terroriste pourrait bien profiter de l’émiettement du front sécuritaire pour s’étendre plus profondément dans les zones frontalières, et même au-delà. Le spectre d’un sanctuaire jihadiste en plein cœur de l’Afrique de l’Ouest devient une hypothèse crédible.
Le Sahel est à nouveau à la croisée des chemins. La disparition d’un acteur comme Wagner ne doit pas signifier l’abandon du Mali à son sort. Plus que jamais, une approche collective, coordonnée et durable est indispensable pour éviter que la région ne bascule irrémédiablement dans le chaos.