Un dialogue entre tous, nécessairement…
Messaoud Ould Boulkheir a refait surface après quelques mois d’hibernation. Lors du meeting de la toute nouvelle Convention pour l’Unité et l’Alternance Pacifique et Démocratique (CUPAD), le patron de l’APP a de nouveau demandé au président Ould Abdel Aziz de s’abstenir de solliciter un troisième mandat. Il a mis en garde l’UPR et le Forum de ne pas exclure son regroupement de partis du processus de dialogue qu’ils sont en train d’engager. Ainsi, Ould Boulkheir n’est pas prêt à rendre les armes. Dans sa lancée, il a dit avoir fait ressortir de nouvelles idées en vue de “recharger les batteries” pour un nouveau dialogue politique pour lequel ses récalcitrants partenaires, notamment Boidiel Ould Houmeid n’étaient pourtant pas très chauds.
Si Messaoud met tant d’énergie et d’obstination dans le labeur, c’est peut-être à juste titre. Surtout si l’on examine de manière posée et désintéressée le triste et amer constat que sa coalition fait de la situation du pays. En somme, au terme de six années de crise et d’exercice de semblant de démocratie, la situation politique nationale se présente, de nouveau, sous le signe d’une redéfinition des repères.
La notion de démocratie consensuelle qui avait vu le jour à l’entame des discussions entre acteurs politiques, n’est plus qu’un lointain souvenir. L’opposition qui se retrouve autour du Forum est jetée à la ” mare aux oubliettes “. Dernier acte en date confirmant cet état de fait : la sortie du président de l’UPR qui a affirmé que le pays ne connaît la moindre crise politique ! Autre acte allant dans le même sens : les tentatives de ce même pouvoir d’engager un nouveau dialogue avec les seules leaders du CUPAD.
Il faut bien le dire, la configuration politique proposée au peuple par le Pouvoir et qui serait déjà acceptée par ses dialoguistes du CUPAD manque de lisibilité et de visibilité. Une démocratie sans opposition véritable, déroge aux principes qui fondent ce système de gouvernance. Une démocratie, c’est une majorité et une opposition, chacune des composantes ayant des fonctions importantes à assumer en son sein. Une démocratie, c’est aussi un dialogue permanent entre le Pouvoir et l’opposition dans toutes ses composantes. La Mauritanie est un pays de consensus et de dialogue. Malgré les difficultés qui l’assaillent dans différents domaines, il est important que les acteurs politiques se retrouvent et se parlent.
Certes, pendant ces dernières années qui ont vu le président Ould Abdel Aziz occuper la plus haute fonction du pays, la pratique politique a conduit à un émiettement des partis politiques notamment de l’opposition, à la perte de vision au sein de la classe politique, et à la déchirure entre différents pans politiques. Toutefois, la volonté de rassembler ne doit pas amener les acteurs politiques à sombrer dans l’unanimisme qui tue l’initiative.
Aujourd’hui, il est plus qu’impératif que la CUPAD joue son rôle de relais entre les différents acteurs politiques, pour le plus grand bien du pays. Il est temps qu’elle revoie sa stratégie de lutte et définisse davantage sa position par rapport au Forum mais aussi et surtout par rapport au pouvoir. Le temps est venu pour la CUPAD de se décider.
Et le plus tôt serait le mieux. En fait, en continuant à donner au pouvoir un semblant de crédibilité par l’attachement à un dialogue qui n’a rien fait avancer, cette coalition de partis politiques contribue à asseoir les fondements d’une crise qui risque de devenir structurelle : une démocratie plombée par manque de visibilité et par l’absence d’élections, avec des institutions fictives fonctionnant autour d’une poignée de personnes, comptables des entreprises et chefs d’équipes de construction et de BTP !
La Mauritanie doit bien s’inquiéter de son avenir. Un pays enlisé dans la crise, instable politiquement et en bute à toutes les menaces mérite plus qu’un constat de dépit.
Amar Ould Béjà