L’épopée « Samba Guéladio » reconnue comme patrimoine de l’humanité, un bel effort… pour rester dans la symbolique
Le ministre de la Culture, des arts, de la communication, des relations avec le parlement et porte-parole du gouvernement, M. El Houssein Ould Medou, a récemment annoncé avec toute la solennité requise que l’épopée « Samba Guéladio » avait été reconnue comme patrimoine de l’humanité. Une démarche qui, selon lui, constitue un « acquis national majeur » dans le cadre des efforts pour préserver la mémoire culturelle du pays.
On peut s’interroger sur la nature exacte de cet « acquis national ». Est-ce un véritable moyen de réparation ou simplement une reconnaissance symbolique dans une société où la mémoire collective est souvent réduite à une série de déclarations politiques ? Derrière cette célébration d’une épopée se cache en réalité un simulacre de respect pour une communauté meurtrie, marquée par des épisodes tragiques comme l’assassinat de ses membres sous l’ombre de l’exclusion et de l’épuration. Car dans ce monde où le symbole devient plus fort que la justice, c’est la mémoire et non la réparation qui est mise en avant.
Le ministre a rappelé avec une détermination qui n’a rien de fortuite l’héritage de plusieurs actions gouvernementales, notamment l’adoption précédente de la mahadra comme patrimoine mondial et celle de la langue soninké comme langue d’expression. Mais en creusant un peu, il apparaît que tout cela n’est qu’un jeu de références symboliques, un théâtre où l’UNESCO devient le cadre où l’histoire se réécrit sans nécessairement affronter ses réalités.
L’épopée « Samba Guéladio » est vantée pour ses « dimensions culturelles et artistiques » et sa prétendue capacité à « résoudre les problèmes de la bonne manière ». Une façon élégante de parler d’une œuvre ancienne, mythologique et symbolique qui, au fond, ne remplace ni les actes, ni les décisions politiques nécessaires pour construire une Mauritanie véritablement inclusive et unitaire. Le ministre insiste sur les vertus de cette reconnaissance dans le contexte de la préparation de la 13ème édition du Festival des cités du patrimoine, événement qui est présenté comme une opportunité de promouvoir le patrimoine immatériel.
Mais il est légitime de se demander si célébrer une épopée peut vraiment compenser le silence sur les injustices passées. Que reste-t-il de l’effort lorsqu’il se limite à des symboles et non à une vraie volonté politique de réparer et de construire ? Le symbole, aussi beau soit-il, reste une coquille vide si elle ne s’accompagne pas d’une action concrète visant à bâtir une nation respectueuse de toutes ses composantes, de ses diversités et de ses mémoires, sans les réduire à des récits folkloriques ou mythologiques.
En somme, la reconnaissance de « Samba Guéladio » est un joli pas dans le grand livre des déclarations culturelles. Mais il serait temps que l’on ose se confronter aux réalités politiques historiques et sociales du pays plutôt que de se contenter de mettre une étiquette culturelle sur un passé complexe. Le patrimoine ne se limite pas à de belles histoires pour touristes ou festivaliers. C’est aussi une manière d’assumer ses responsabilités, de réparer ses torts et d’ouvrir la voie à une réconciliation réelle.
Pour l’instant, l’histoire continue, entre symboles et silences.