Le 59ème « coup -fondateur » de la Mauritanie
La Mauritanie indépendante fête ses 59 ans. Comme la plupart des anciennes colonies françaises ce pays est une rapsodie de communautés linguistiques que l’histoire et le destin ont imposés à vivre ensemble dans une seule « République islamique de Mauritanie ». Avec une devise à la tonalité tout aussi sublime : « Honneur-Fraternité-Justice ». L’édification de la citadelle sur les ruines d’empires , d’Almamiya , d’Emirats ,de royaumes que l’envahisseur colonial a dynamités , balkanisés , pillés nécessitait plus qu’un simple congrès d’Aleg pour bâtir un pays indépendant , moderne sur les vestiges de tout un passé mythique avec ses archaïsmes et ses résistances culturelles qui continuent de refouler des résurgences séculaires . Ainsi est parti « le coup fondateur » d’un pays qui comptait à peine un million d’habitants disséminés dans les profondeurs de la savane, et du désert au rythme des saisons et des adaptations aux changements de mode de vie. C’est sur ce vaste territoire que la longue marche de l’histoire continue sa traversée. Qu’a-t-on fait de ce « joyau » que la France nous a livré et dont nous fêtons chaque année la gloire, dans un sentiment de fierté nationale. 59 ans d’indépendance, c’est le temps de réaliser des œuvres immenses, de vaincre beaucoup d’adversité de peurs et complexes, pour démolir les vieilles pratiques anachroniques. Le bilan en vaut-il bien 59 coups de canons ? Au commencement, nos dirigeants ont-ils honoré la devise de l’égalité, de la fraternité et de la justice entre tous les mauritaniens ? Ont-ils œuvré à respecter et appliquer les principes qui président aux valeurs d’une République islamique telle que revendiquée et vantée à tout-va ? L a réponse à ces questions est fournie par les réalités et le vécu des citoyens, rendues plus prégnants par la gestion d’une gouvernance politique responsable de tous les maux dont le peuple souffre encore et toujours… . Ces maux s’appellent absence de référentiel unitaire censé régler la problématique d’un Etat fédérateur de toutes ses valeurs nationales, au lieu d’en tracer une ligne de démarcation où certains sont considérés comme des souffre douleur, d’autres comme des étrangers dans leurs propres terres sans autre forme de traitement ; d’autres comme d’authentiques nationaux. Cette mauvaise gestion des rapports entre les citoyens d’un même pays est à l’origine de toutes les tragédies et dérives politiques que la Mauritanie a connues depuis les indépendances fêtées en pompe depuis… à nos jours. Ni les discours démagogiques, ni la propagande politique lénifiante utilisée comme du baume pour calmer les revendications identitaires et dénonciations des violations flagrantes des droits de l’homme, ne sauraient occulter certains faits têtus qui collent comme un cactus. Pour un pays âgé de 59 ans d’indépendance et qui traine des siècles d’existence antique, il est dangereux de continuer à se complaire dans la manipulation et l’instrumentalisation de l’Etat comme mode de gouvernance politique en se confortant dans le luxe et l’exubérance démocratique. Il est facile de s’obstiner à utiliser les mêmes archétypes pour orner les indépendances des couleurs d’une marche glorieuse de l’histoire et où le chant de la liberté sonne pour d’autres, inaudible comme une symphonie gutturale dans l’eau. Et pour cause, la fibre patriotique n’a plus le même groupe sanguin en temps de paix. La guerre du Sahara est passée par là. Se souvienne qui le voudra… Des atrocités, purges ethniques, déportations ont laissé des marques indélébiles.
L’histoire de la Mauritanie est, qu’on le veuille ou pas plurielle. Ses communautés diverses et riches d’un passé que les faux historiens ne peuvent falsifier malgré des monographies qui ne résistent pas à la réalité des faits. De Chinguity en passant par Tchit , Oualata etc , des vestiges de l’histoire témoignent des prestigieux empires qui se sont bâtis là. Des tertres et écritures néolithiques ont été sculptés dans la pierre. Des gloires du passé gavées dans le marbre. Vouloir singulariser le génie créateur à une partie nationale et ignorer l’existence d’autres lieux aussi historiques et dignes d’être réhabilités par des festivals et des festivités, c’est consacrer le primat d’une originalité officielle et le négationnisme institutionnel d’une « décomposante » nationale sans âme culturelle… 59 ans après…
A suivre…
Amadou Diaara