Comment sortir du cercle vicieux des langues en Mauritanie ?
Il n’y a jamais et ne peut y voir à priori de conflits des langues qui dans leurs essences sont des passoires de communication. Comprenons bien par là, qu’au-delà des charges idéologiques et épidermiques qui renvoient à des positions figées, à des préjugés et autres sensibilités et susceptibilités,
l’usage d’une langue comme moyen d’expression naturelle d’un désir de communiquer, de se faire entendre et se faire comprendre est une sorte de réponse à une demande de socialisation voire d’intégration à une communauté d’hommes avec lesquels l’usager entend partager des valeurs humaines.
Apprendre une langue ouvre ainsi la voix (oie) à une familiarisation avec des locuteurs qui partagent le même médium. A sympathiser avec autrui à entrer dans un univers inconnu par la magie du verbe. Le conflit naît des mauvaises interprétations surtout des manipulations politiques qui viennent déplacer le débat vers d’autres terrains mouvants. Cette problématique des langues en Mauritanie n’arrive pas à être portée dans des forums de haut niveau où on pourrait sortir des sentiers battus des accusations réciproques, afin de décomplexer les rapports inter-communautaires et établir des passerelles entre l’arabe, les autres langues nationales et le français dans une parfaite harmonie . Pour qu’on puisse sortir du cercle vicieux sur la question des langues il faudrait d’abord replacer la problématique dans un contexte scientifique, apolitique et éducatif circonscrit autour de valeurs de progrès . Il faut accepter à chacun le droit de parler sa langue, choisir la langue qu’il veut quitte à préférer du moins à choisir le parler qui n’est pas forcement celui de ses origines. A ce titre, l’arabe -rappelons –le -, qui n’est pas la langue de tous les mauritaniens mérite sa place au même rang que le pulaar , le soninké et le wolof , le bambara qui sont aussi parlées par des usagers importants de ces outils linguistiques.
Le choix de l’arabe comme première langue ne devient un « virus » que quand cela se traduit par une volonté d’exclure les autres et de restreindre le champ d’épanouissement des langues nationales et du français sur lequel on s’acharne. Qu’on le veille on non la langue française est indispensable dans l’administration et dans les programmes scolaires. Ce complexe ne fait souffrir véritablement que certains chantres de l’arabité qui jouent mal avec les statistiques d’une Mauritanie à 100 % arabe , un chiffre défiant toutes les exagérations. L’image d’une Mauritanie francophone ne porte pas atteinte à son versant arabo-africain. Car toutes les communautés ont partagé une partie de cet héritage colonial.
Une telle propension a l’hégémonie linguistique devient préjudiciable à ces langues nationales et bannit leur statut dans le système éducatif où pourtant elles avaient commencé à acquérir une place pédagogique incontestable. La phase expérimentale à laquelle ces langues nationales étaient soumises n’avait-elle pas donné des résultats probants dans les années 80 ? Mais par un coup d’arrêt brusque, tout le processus a été remis en cause pour des considérations politiques et des attitudes attentatoires a la promotion de la diversite linguistiaue .
Depuis, ces langues ont perdu de leur ascension officielle pour être ravalées au rang de simples machins folkloriques notamment dans les grilles des programmes médiatiques. Par une sorte de kidnapping linguistique la disparition progressive du français en Mauritanie vient davantage isoler le pays y compris des autres pays arabes qui eux ont anticipé sur l’histoire en s’ouvrant vers d’autres langues universelles. Pendant qu’au pays du million de poètes on chante la muse et on vante le courage de nos héros légendaires. La richesse des grandes nations est assurée par la diversité des cultures et des langues qui y sont parlées. Le dialogue des cultures loin de faire mal permet d’apporter des solutions merveilleuses en décloisonnant les relations intercommunautaires dans un esprit de respect mutuel. Il y a lieu dans ce cadre de réintroduire à côté de l’anglais et du français des heures de langues nationales dans les programmes scolaires. Encourager l’usage de ces langues dans les débats parlementaires et dans les rencontres officielles.
Il faut cesser d’accuser les non arabes de Mauritanie d’être des ennemis de l’arabe en oubliant tous ces érudits noirs qui se sont illustrés dans la défense et l’illustration de cette langue qu’ils ont aimée et même vénéré. Chercher à réécrire une nouvelle page d’une Mauritanie unique en son genre par la théorie de la négation des différences , c’est perdre du temps dans des fantasmes éphémères. La Mauritanie est à tous les mauritaniens dans une existence habillée en noir et blanc.